Par le passé, l’ancienne route de la soie reliait la Chine et l’Asie centrale par chameau… Dans la version contemporaine, la Chine mise sur le ferroviaire pour connecter le continent eurasien, comme en témoigne le projet China Railway Express. Upply fait le point sur cette initiative.
Le projet China Railway Express 2016-2020 publié par le Conseil National pour le Développement et la Réforme (CNDR) chinois en 2016 met en place un plan concret : construire 43 lignes de chemin de fer reliant les villes chinoises et européennes via trois grandes routes ferroviaires. Ces routes empruntent le système de rail transsibérien en utilisant trois points de passage de frontière : Alataw, Manzhouli, et Erlianhot.
Aujourd’hui, Alataw et Manzhouli sont les passages les plus utilisés du CR Express. En Europe, les points d’entrée sont principalement situés en Pologne, premier pays à avoir accueilli le CR Express, ainsi qu’en Allemagne (notamment à Duisbourg, port intérieur le plus important du monde). Les conteneurs peuvent ensuite être transférés vers d’autres destinations en Europe.
Un réseau lancé en 2011
Le CR Express est utilisé principalement pour le transport de produits informatiques, de machines, et de composants pour le transport. Il a été inauguré en 2011, quand Hewlett Packard a ouvert une usine à Chongqing, une ville industrielle du sud-ouest de la Chine. L’implantation de cette entreprise a créé une demande pour du transport rapide et peu cher de matériel informatique, ce qui a généré la création de la première ligne du CR Express : Chongqing-Duisburg. Aujourd’hui, de nombreux autres types de biens sont transportés par le CR Express, mais les produits informatiques restent une des catégories principales.
Le transport ferroviaire a connu une croissance rapide depuis le début de la mise en œuvre du plan en 2016. En 2018, on comptait 56 lignes du CR Express reliant les villes chinoises à l’Europe (davantage, donc, que les 43 prévues au départ), avec 6 363 voyages au total, dépassant ainsi l’objectif de 5 000 voyages par an décidé par le CNDR deux ans auparavant. Aujourd’hui, les importations chinoises transportées par le rail représentent un tiers du total des importations non-UE destinées à l’Union européenne. Néanmoins, et malgré le développement rapide du transport ferroviaire entre la Chine et l’Europe, les biens transportés par le rail ne représentent que 3% de la valeur totale des échanges entre l’UE et la Chine.
Une initiative soutenue par les pouvoirs publics
Intégré à l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, le China Railway Express est, par nature, un projet soutenu par le gouvernement. Cette caractéristique a encouragé les autorités locales à créer leur propre ligne de CR Express pour étoffer leurs contributions politiques. Mis à part la ligne Yiwu-Madrid, toutes les lignes sont gérées par des entreprises publiques ou des partenariats public-privé. Dans certains cas, plusieurs entreprises publiques peuvent agir dans une seule et même province.
Malgré cette multiplicité, le développement des lignes reste très concentré sur quelques-unes. Chongqing-Duisburg, Chengdu-Lodz, Xi'an-Hamburg, Zhengzhou-Hamburg, Wuhan-Hamburg et Yiwu-Madrid représentent plus de 90% du volume annuel transporté par le CR Express. Ces villes possèdent plus d’une liaison. Il s'agit des lignes principales, ou des premières à avoir été ouvertes. Pour ce qui est du transport de conteneurs, en 2018, les lignes Chongqing-Duisburg et Chengdu-Lodz ont transporté un tiers du volume total du CR Express.
Le développement asymétrique affecte également l’équilibre est/ouest. Alors qu’en 2018, le volume de transport vers l’est représentait environ 70% du volume envoyé vers l’ouest, la majeure partie du volume vers l’ouest voyage sur les lignes mentionnées précédemment. En d’autres termes, de nombreuses lignes du CR Express souffrent encore de surcapacité vers l’est. Selon les données d’Eurostat, le transport vers l’est représente 43% de la valeur total du transport ferroviaire sur ces lignes, et 36% du volume.
Pour attirer les expéditeurs, les gouvernements locaux subventionnent leurs lignes du CR Express, rendant ainsi les prix de fret ferroviaire compétitifs. Les subventions sont généralement de l’ordre de 3 000 dollars par conteneur, et influencent les expéditeurs dans le choix des routes. Par exemple, selon un rapport chinois, les prix compétitifs du Chang’an CR Express (Xi’an-UE) ont attiré des clients venant de l’est de la Chine, où d’autres lignes du CR existent pourtant.
Tentatives de libéralisation
Une question cruciale est aujourd’hui sur la table : le CR Express peut-il maintenir son niveau d’attractivité sans les subventions ? Selon la presse chinoise, le gouvernement chinois va limiter les subventions locales pouvant être attribuées au CR Express, pour essayer de rendre le réseau plus adapté à l’économie de marché. Ces dernières années, le système CR Express a digitalisé le processus de dédouanement pour faciliter les échanges, et a développé des offres exclusives pour les logisticiens ou les chargeurs, afin de rendre le système plus compétitif.
Le CR Express collabore avec des entreprises logistiques privées en leur proposant par exemple des créneaux dédiés. Par exemple, en janvier 2018, SF express, un acteur majeur du marché chinois de la logistique, en collaboration avec le gouvernement de Jiangxi, a organisé un transport spécifique pour livrer du bois entre Gangzhou (province de Jiangxi) et la Finlande. Autre exemple : Cainiao, la filiale logistique d’Alibaba, en collaboration avec Zhengzhou, a inauguré un train dédié au e-commerce en réalisant un premier trajet à destination de Liège, en Belgique, en mars 2019. Mais Xi’ian collabore également avec des entreprises étrangères, comme le Japonais Nippon Express.
Certaines lignes ont également cherché établi une coopération directe avec les chargeurs pour leur proposer des services dédiés. C’est le cas pour Volvo, Porsche, Décathlon ou encore Foxconn, qui acheminent toutes des marchandises de la Chine vers l’Europe.
Le CR Express et son rôle dans le réseau mondial de transport chinois
Le 15 août dernier, le gouvernement chinois a publié un projet de développement de connexion terre-mer entre la Chine et l’Asie du sud(est), qui devrait se concrétiser entre 2019 et 2025. Dans ce plan, Chongqing servira de point d’ancrage, permettant de connecter trois grands réseaux de transport multimodal : le CR Express, le nouveau réseau terre-mer, et le rail longeant la rivière Yangtsé (avec une connexion vers Shanghai).