Les chaînes d'approvisionnement sont plus exposées que jamais aux perturbations externes. Outre les cyber-attaques, les conditions météorologiques défavorables sont aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pour les activités commerciales, d’où la préconisation d’actions susceptibles d’en minimiser l’impact sur les chaînes logistiques.
La gestion de la chaîne d'approvisionnement est devenue plus complexe que jamais. Les entreprises sont confrontées à une demande de plus en plus volatile, tout en faisant face à de nouvelles pressions économiques, techniques et réglementaires. Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, les entreprises sont donc contraintes d’accélérer l’intégration de leur logistique afin de répondre plus rapidement et plus efficacement aux demandes complexes. Cette complexité accrue laisse les réseaux plus exposés que jamais aux perturbations externes.
Ces perturbations, souvent dues à des catastrophes naturelles ou d'origine humaine, ont des effets dramatiques sur les entreprises, affectant la logistique, la réputation de l'entreprise et provoquant des millions de pertes. Le Business Continuity Institute (BCI) a enquêté sur les perturbations de la supply chain dans 76 pays. En 2018, 589 personnes ont répondu, dont la moitié étaient basées dans l'UE. L’enquête a démontré que 56% avaient subi une rupture de leur chaîne au cours des 12 derniers mois et plus d'une sur dix des pertes de plus d’un million d’euros.
Ces perturbations devraient s'accentuer à l'avenir en raison de la densité démographique, du changement climatique et de la complexité croissante des réseaux, soulignant l'urgence d'une gestion des risques efficace et de chaînes résilientes.
Les perturbations de la supply chain liées aux conditions météo entraînent des pertes considérables
Selon l'étude de la BCI, les causes les plus graves de perturbations sont les conditions météorologiques et les cyber-attaques. En général, les conditions météorologiques défavorables constituent l’une des plus grandes menaces auxquelles les supply chains interconnectées peuvent être confrontées, car elles entraînent des pertes importantes. Récemment, en septembre 2018, un séisme de magnitude 6,7 à Hokkaido, suivi de la tempête tropicale Jebi, a causé des centaines de millions de dollars de pertes aux fabricants japonais, affectant gravement des acteurs internationaux tels que Toyota et Mitsubishi. L’une des usines clés de Toyota pour les pièces de moteur et les transmissions à Hokkaido a été contrainte de fermer temporairement en raison du manque d’électricité et de la paralysie opérationnelle des ports, des aéroports et des trains.
En zoomant sur l'Europe, l'Agence Européenne pour l'Environnement a constaté qu'entre 1980 et 2017, les pertes économiques causées par les phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes s'élevaient à environ 453 milliards d'euros. Les deux événements les plus coûteux ont été l'inondation de 2002 en Europe Centrale (21 milliards d'euros) et la sécheresse et la vague de chaleur de 2003 (15 milliards d’euros). La vague de chaleur de 2018 en Europe Centrale, qui a temporairement réduit les transferts de marchandises le long du Rhin, est un exemple récent de perturbation importante. Les navires n'étaient pas en mesure de transporter des charges complètes en raison d’un phénomène de basses eaux, posant des défis pour de nombreux secteurs industriels, notamment les centrales au charbon, le fournisseur d'énergie RWE et de nombreux fournisseurs de combustibles.
Les vagues de froid peuvent être tout aussi dommageables, entraînant des retards importants dans les aéroports et sur les autoroutes. En janvier 2018, la tempête hivernale Grayson, décrite comme un "bombe météorologique", a provoqué des retards et des fermetures des expéditeurs et des transporteurs le long de la côte Est des États-Unis. Les voitures, piégées sur des routes recouvertes de glace à Boston, ont été abandonnées et la rivière Chicago a gelé après que la tempête se soit intensifiée, laissant des millions d'Américains confrontés à des conditions arctiques avec des températures pouvant atteindre -38°C. En conséquence, les opérations portuaires, aéroportuaires, ferroviaires et routières ont été retardées ou arrêtées pendant plusieurs jours, entraînant des pertes importantes.
Les exemples susmentionnés montrent que l’impact des perturbations météorologiques sur les opérations de la supply chain est grave. Selon Swiss Re, 327 catastrophes ont eu lieu en 2016 et cette valeur reflète la tendance haussière progressive mais significative du nombre de catastrophes au cours des 40 dernières années.
Ces événements nuisent gravement à la capacité de transport, augmentant temporairement les coûts d’acheminement du fret et créant des goulets d’étranglement dans l’approvisionnement, car les prestataires sont contraints d’utiliser d’autres moyens de transport. Une chaîne est aussi solide que son maillon le plus faible, ce qui signifie que toute l’opération commerciale est affectée économiquement par une telle perturbation. Bien que la plupart des entreprises situées en dehors des régions concernées ne subissent aucun dommage physique, beaucoup connaissent des interruptions et des pertes d'activité considérables et non assurées, en raison de dépenses supplémentaires. Cela signifie que non seulement les effets directs, mais aussi les effets indirects, doivent être pris en compte.
Les catastrophes se multiplient, la prévention ne suit pas
La vulnérabilité croissante des chaînes d'approvisionnement interconnectées soulève la question de savoir comment les entreprises peuvent gérer plus efficacement leurs risques et améliorer la résilience de la supply chain. Compte tenu des milliards de coûts que ces catastrophes naturelles peuvent engendrer pour les entreprises, on pourrait imaginer qu’assurer de telles pertes est une évidence. Cependant, l'écart entre les sinistres subis et les sinistres couverts est extrêmement important, la plupart des événements n'étant pas assurés du tout.
Cette tendance est globale mais peut être particulièrement illustrée par le cas de l’Italie. Le pays présente un risque élevé de catastrophes naturelles : 90% des communes italiennes sont exposées aux risques de glissements de terrain, d'inondations ou de tremblements de terre, estime SwissRe. Cependant, le marché italien des assurances se caractérise par une couverture très faible des catastrophes naturelles et le gouvernement n'a que des fonds limités réservés à ce type d'événement (Porrini). À titre d'exemple, sur les quelque 25 000 églises italiennes, environ 70% sont assurées contre les incendies et seulement quelques-unes sont couvertes par une protection contre les catastrophes naturelles malgré un risque élevé, évalue SwissRe.
Il va de soi que les systèmes de transport et les chaînes logistiques devront à l’avenir faire face aux changements climatiques accélérés et aux phénomènes météorologiques extrêmes. Les récentes transformations du secteur ont rendu les supply chains plus numériques et davantage guidées par les données. De nombreux développements permettent ainsi de trouver des solutions qui atténuent les menaces liées aux conditions météorologiques.
Les approches fondées sur les données ont déjà révolutionné des secteurs spécifiques de la chaîne d'approvisionnement, facilitant ainsi la maintenance et le suivi des données en temps réel. Le port de Rotterdam est équipé de drones sous-marins détectant les niveaux d’eau et les obstacles. L’utilisation de radars aide les chauffeurs de camion à prévoir les conditions de circulation extrêmes et les routes solaires peuvent faire fondre la glace et la neige au Japon. Maersk, par exemple, a lancé son programme de surveillance des conteneurs frigorifiques en 2015, qui permet de suivre les envois en temps réel en les équipant de capteurs communiquant via des réseaux de téléphonie cellulaire et des satellites. Des rapports réguliers sur l’emplacement, la température et les conditions atmosphériques du conteneur réfrigéré sont envoyés, permettant le contrôle à distance du conteneur. Ces technologies sont pertinentes car elles permettent de surveiller avec précision la température et l'humidité des produits sensibles aux intempéries, tels que les médicaments biologiques ou bio-pharmaceutiques. Même le plus petit progrès dans la prévision, la mesure et le contrôle des facteurs météorologiques constitue une amélioration pour anticiper les perturbations des activités.
Comment une assurance s'appuyant sur de nouvelles données peut sécuriser les chaînes d'approvisionnement
En général, l'évolution vers des capteurs moins chers et une meilleure connectivité élargit l'accessibilité de l’Internet des Objets (IdO) à l'ensemble de la supply chain, augmentant ainsi le nombre de périphériques pouvant fournir des données en temps réel sur les conditions météorologiques. Par exemple, GE Current a récemment installé à San Diego des lampadaires intelligents capables de surveiller la lumière, l’humidité et la qualité de l’air. Cependant, même si la quantité de données collectées continue d’augmenter, il reste encore des difficultés à analyser et à centraliser ces données. Cela signifie qu'il existe une opportunité importante d'améliorer l'analyse des risques afin de pouvoir prévoir les événements météorologiques, mais surtout de pouvoir prescrire des actions de prévention visant à minimiser ses impacts.
Mettre en place des mesures de prévention pour minimiser les effets des intempéries est une démarche courante dans le secteur de l'assurance depuis de nombreuses années. Toutefois, le secteur de l’assurance Non-Vie manque encore de transparence, reste coûteux et, malgré l’urgence, traite les déclarations de sinistres souvent trop lentement. La pression croissante autour de ces sujets nécessite des solutions plus rapides et plus efficaces, ce qui explique l’émergence et la croissance de nouveaux acteurs de l'AssurTech. Ces acteurs révolutionnent non seulement la manière dont les risques météorologiques sont évalués, mais également la façon dont les entités, les entreprises et les personnes sont économiquement protégées. L'utilisation de nouvelles technologies, telles que la reconnaissance d'images ou l'apprentissage automatique, associée aux sources de données avancées, telles que les satellites ou l'IdO, peut améliorer considérablement la transparence, la vitesse et l'évaluation des risques. Par exemple, les images satellites peuvent être utilisées pour détecter les zones brûlées après un incendie, identifier les nuages responsables des tempêtes de grêle ou évaluer la qualité de l'eau en observant la prolifération d'algues. Le principal avantage de ces méthodes est qu’elles permettent une plus grande précision dans l’évaluation des risques et des paiements de plus en plus rapides, parfois en quelques heures, permettant aux activités logistiques de reprendre une activité normale. Il en ressort des supply chains plus fortes et plus résilientes, qui peuvent se remettre des aléas et des perturbations aussi rapidement que possible sans subir de pertes significatives.
https://www.sueddeutsche.de/wirtschaft/duerre-der-rhein-trocknet-aus-1.4177072
https://www.ttnews.com/articles/truckers-benefit-weather-forecasting-technology
https://emerj.com/ai-sector-overviews/ai-for-weather-forecasting/
Crédit photo : Image par Johannes Plenio de Pixabay