2/ Les arguments des compagnies maritimes
L’offre sera très adaptable et agile pour accompagner l’évolution de la demande, avec des mouvements massifs de mise à la démolition ou de rétrofit des unités les moins vertueuses sur un plan environnemental, qui compenseront les arrivées en ligne assez massives de nouvelles unités.
Des engagement fermes de volumes sur le long terme de la part des grands chargeurs permettraient d’améliorer la qualité de service globale des compagnies.
- Une plus grande flexibilité
Les compagnies pourraient accepter plus facilement que l’an dernier des renégociations de contrats longs en cours d’exécution (baisse tarifaire contre hausse des volumes).
- Simplification des procédures et du pilotage des flux
La digitalisation et l’échange de données sécurisées via API sont un moyen de souder les relations client / fournisseur.
- Offres de services élargies
Les compagnies maritimes vont poursuivre leur politique de développement d’offres complémentaires au transport maritime (transport terrestre, douane, assurance, entreposage, fret aérien...), en mettant en avant une qualité de service globale accrue.
Face aux incertitudes globales, confier ses flux à des prestataires financièrement renforcés est une sécurité non négligeable pour les chargeurs. En 2016, la faillite d’Hanjin avait spectaculairement montré les risques opérationnels liés à la fragilité financière des prestataires.
3/ Les arguments chargeurs directs et des commissionnaires de transport
- Le retour de la négociation
Compte tenu du ralentissement de l’activité, le rapport de force n’est plus aussi déséquilibré que lors de la précédente saison d’appels d’offres. Les clients des compagnies maritimes peuvent obtenir une meilleure écoute. C’est la fin du "à prendre ou à laisser" côté transporteur, et le grand retour de la négociation.
- Un marché spot plus attractif et faiblement différencié des taux contractuels.
Cela peut inciter des chargeurs à se désengager d’une part plus importante de volumes contractuels si les compagnies ne sont pas proactives. Dans le climat actuel, cette souplesse offerte par le marché est relativement sous-exploitée.
- Mise à disposition des conteneurs
Les grands clients peuvent exiger la disponibilité des équipements, avec en contrepartie des pénalités contractuelles.
L’allongement des temps de transit a fortement contribué à la désorganisation des supply chains. Les clients pourront mettre dans la balance de la négociation des minima de transit time contractuels.
La question du développement durable et de la transition énergétique est aussi brûlante pour les chargeurs que pour les compagnies maritimes. Les deux parties ont intérêt à s’entendre sur la mise en place conjointe d’indicateurs, notamment sur les émissions de CO2. La prise en charge du coût de ces indicateurs peut entrer dans le cadre de la négociation.
Sur ce point aussi, les parties prenantes de la supply chain maritime sont dans le même bateau. Les investissements peuvent être lourds, mais il faut une véritable interconnexion des systèmes pour une efficacité maximale. Les chargeurs et les compagnies ont donc intérêt à travailler ensemble sur ces sujets pour éviter d’investir massivement dans des process de digitalisation qui ne répondent qu’aux besoins de l’une des parties.
Le rapport de force un peu moins avantageux pour les compagnies maritimes peut permettre aux chargeurs de faire entrer dans la négociation l’introduction de délais de règlement plus favorables.
Les entités susceptibles de payer en dollar US bénéficieront d’un pouvoir accru de négociation. C’est notamment un argument très favorable pour les grands commissionnaires de transport internationaux.
4/ Nos premières estimations de fourchettes de prix pour 2023
Nous l’avons vu, on constate actuellement un rééquilibrage global dans le rapport de force entre clients et fournisseurs par rapport à l’an dernier. Mais attention, la gestion de la capacité reste entre les mains des compagnies maritimes.
Les annulations d’escale massives annoncées pour la fin d’année au départ d’Asie doivent donner un coup de frein à l’érosion continue des taux spot. Dans le même temps, le transatlantique poursuit sur un niveau de taux de fret exceptionnel au départ de Méditerranée comme du Nord Continent.
Il est donc risqué de tabler sur un réel inversement de tendance. Une gestion d’atterrissage en douceur nous semble aujourd’hui l’hypothèse la plus appropriée.
Voici nos estimations des taux contractuels cibles que l’on peut anticiper pour 2023, par grands corridors en ports directs, sur la base d’un conteneur 40’HCD pour de la marchandise sèche non dangereuse.
- Les trades chroniquement sous-valorisés
Commençons par le "coin des bonnes affaires", c’est-à-dire les corridors sous-valorisés et peu impactés par la pandémie au niveau tarifaire, en déficit chronique de conteneurs pleins. Ces flux sont en concurrence directe avec le repositionnement de conteneurs vides.
- Transatlantique Eastbound : entre 800 et 1 200 USD
- Transpacifique Westbound : entre 800 et 1 200 USD
- Europe/Asie : entre 500 et 800 USD
Sur ces routes, on est au niveau des points d’équilibre d’exploitation des compagnies, voire en-dessous.
- Les trades revalorisés depuis la pandémie, et qui se stabilisent.
C’est ce que l’on retrouve sur la majorité des corridors dits "Nord-Sud" (Europe/Afrique et Europe/Amérique Latine principalement), avec des pivots autour de 2 500 USD.
- Les trades qui connaissent actuellement une correction à la baisse après une flambée des taux "post-Covid"
Il s’agit des corridors phares que sont l’Asie/Europe et l’Asie/Côte Ouest des États-Unis, où l’on peut respectivement estimer les taux contractuels cibles aux alentours de 5 000 USD et 4 000 USD.
La palme revient au transatlantique Westbound qui n’a pas connu d’érosion tarifaire au deuxième semestre 2022 et compte bien rééditer l’exploit en 2023. Sur cet axe, les prix sont attendus autour de 6 000 USD.
Le trade East Med vers l’Europe du Nord et de l’Ouest connaît également une croissance forte, principalement sous la pression de la Turquie, avec des taux autour de 3 000 USD. Enfin, le trade "IPBS" (Inde/ Pakistan/Bangladesh / Sri Lanka) - Europe du Nord est également sur une tendance haussière, aux alentours des 4000 USD.
NB : Ces chiffres bruts sont des valeurs moyennes à prendre à ce stade avec des pincettes, et qui ne peuvent être envisagés que pour des volumes conséquents et réguliers. Ces valeurs peuvent en revanche constituer raisonnablement des points de départs crédibles dans l’élaboration des premières moutures budgétaires pour les appels d’offre 2023 concernant les marchandises sèches non dangereuses, dans une approche à affiner bien sûr en cours d'exercice.