Le trafic mondial de fret aérien a progressé en janvier 2022, mais à un rythme nettement plus lent que fin 2021. Les perspectives sont assombries par le conflit en Ukraine.
La demande mondiale de fret aérien, mesurée en tonnes-kilomètres de fret, a augmenté de 2,7% en janvier 2022 par rapport à janvier 2021, et de 3,2% pour les seules opérations internationales. Des résultats "nettement inférieurs" à la croissance de 9,3% observée en décembre 2021 (+11,1% pour les opérations internationales), mais aussi en-deçà des attentes, souligne l'Association internationale du transport aérien (IATA). En données corrigées des variations saisonnières, les chiffres confirment la tendance puisque l’on constate alors un repli de 3,6% en janvier 2022 en glissement mensuel.
Il est vrai que l’année 2021 a été marquée par une forte reprise après le choc du Covid en 2020. La tendance constatée début 2022 reflète donc probablement "une évolution vers le taux de croissance plus normal de 4,9 % prévu pour cette année", estime Willie Walsh, directeur général de l'IATA.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA - © Upply
L’impact de la vague Omicron
Au mois de janvier, le trafic mondial de fret aérien a clairement souffert de la nouvelle vague de Covid-19, nourrie par le variant Omicron. Les restrictions de voyages décidées ont immédiatement conduit à une détérioration des capacités globales de fret en raison d’une réduction des vols mixtes. En données brutes, l’offre est certes supérieure de 11,4 % à celle de janvier 2021 (+10,8 % pour les opérations internationales). Mais elle reste 8,9 % en-dessous des niveaux pré-Covid de janvier 2019. D’autre part, "bien que le ralentissement de la croissance des capacités ait été plus lent que celui de la demande, il a joué un rôle clé dans les faibles résultats de janvier. En effet, en données corrigées des variations saisonnières, l’offre a chuté de 7,5% sur un an, soit la pire performance depuis avril 2020", détaille l’IATA.
La zone Amérique du Nord a été la plus touchée par ce phénomène (-13,5%) suivie par l’Asie-Pacifique (-7,9%). Ces deux régions sont aussi celles qui ont connu le plus fort ralentissement, avec le Moyen-Orient.
Selon l’IATA, la politique "Zéro Covid" pratiquée en Chine continentale et à Hong Kong est clairement la principale cause de la faiblesse observée dans ces pays. "On aurait pu s'attendre à ce que le Nouvel An chinois entraîne une baisse de l'activité manufacturière et un chargement anticipé du fret en janvier, mais son impact est moins net que par le passé car des usines sont restées ouvertes", remarque l’IATA.
Aux États-Unis, d’autres éléments conjoncturels sont venus perturber les opérations, à savoir des conditions climatiques hivernales difficiles mais aussi le déploiement de la 5G à proximité des aéroports, qui a conduit à des annulations de vol pour des raisons de sécurité. À cela s’ajoute un paramètre en passe de devenir plus structurel, la pénurie de main d’œuvre, qui a également contribué, selon l’IATA, au ralentissement.
Des moteurs économiques qui faiblissent
Après une période de forte reprise, les traditionnels moteurs économiques de la demande de fret aérien ont montré des signes de faiblesse en janvier, à l’instar de l'indice PMI des nouvelles commandes à l'exportation dans l'industrie manufacturière. Le repli s’est révélé particulièrement sensible en Chine et aux États-Unis. L’IATA estime que la forte inflation américaine (+7,5% en janvier en glissement annuel) explique en partie cette tendance, en poussant les consommateurs à diminuer leurs achats. Or beaucoup de biens manufacturés consommés aux États-Unis sont fabriqués en Asie, et en particulier en Chine.
Autre élément préoccupant : les perturbations de la supply chain subsistent en ce début 2022. La composante "délais de livraison des fournisseurs" du PMI manufacturier s'est établie à 37,8 en janvier avant de remonter à 39,3 en février. Bien sûr, les tensions sur la production peuvent dans une certaine mesure être favorable au fret aérien en induisant des besoins d’acheminement rapide pour compenser les retards. Mais actuellement, ce facteur témoigne surtout de la persistance de goulets d’étranglement globalement néfastes pour le commerce mondial.
Des taux de fret influencés par le ralentissement
L’accalmie du mois de janvier en termes de demande influence évidemment l’évolution des prix du fret aérien, avec un net ralentissement de la hausse sur l’Asie-Europe et une baisse sur le transatlantique en glissement mensuel. Toutefois, le mix prix spot/prix régulier de la base de données Upply montre que les prix restent globalement à des niveaux élevés par rapport à 2021, et la guerre en Ukraine devrait induire de nouvelles hausses.
Source : Upply
Des perspectives assombries par la guerre en Ukraine
Après de début d’année un peu mou et encore perturbé par la pandémie de Covid-19, l’industrie du fret aérien va devoir absorber ce nouveau choc. "Le conflit entre la Russie et l'Ukraine aura un impact négatif sur le fret aérien", confirme l’IATA. Certes, le fret aérien transporté à destination, en provenance et à l’intérieur de la Russie ne représentait que 0,6 % du trafic mondial en 2021, selon les chiffres de l’IATA. Mais l’impact du conflit va bien au-delà.
Tout d’abord, les fermetures mutuelles de l’espace aérien entre l’Union européenne et la Russie perturbent considérablement les opérations entre l’Asie et l’Europe. Contraintes d’éviter le survol de la Russie, les compagnies empruntent des voies qui augmentent le temps de vol. Le conflit aura des conséquences négatives pour tous les transporteurs, mais devrait plus particulièrement toucher les compagnies européennes et casser la bonne dynamique constatée en janvier avec 7% de croissance de la demande en glissement annuel.
Le conflit va rejaillir sur les capacités disponibles. Lufthansa Cargo estime ainsi à 10% la réduction de son offre consécutive à la guerre en Ukraine. Celle-ci a aussi un impact direct sur les coûts des transporteurs, puisque ces routes nécessitent davantage de kérosène. Or les prix du pétrole connaissent une hausse déjà sensible depuis plusieurs mois, que la guerre en Ukraine vient encore aggraver. D’autre part, les liaisons ferroviaires Chine-Europe, qui pouvaient constituer une option intéressante par rapport au fret aérien pour certains trafics, sont perturbées et engorgées. Toutes les conditions sont donc réunies pour que les taux de fret augmentent. Dans quelle proportion ? "Il est encore trop tôt pour le prévoir", déclare Willie Walsh, directeur général de l’IATA.
Il est aussi trop tôt pour mesurer l’impact global du conflit sur la demande et sur l’évolution de la fluidité des supply chains. Car plus personne ne peut aujourd’hui se risquer, hélas, à en prévoir la durée et l’ampleur.