La demande mondiale de fret aérien a diminué de 15,2% au mois de mars, pour des capacités en chute de 22,7%. Conséquence logique : les prix flambent sur certains axes. Une tendance temporaire, et bien insuffisante pour des compagnies aériennes à l’agonie.
C’est un retournement de tendance au goût amer. Les prix du fret aérien remontent, en raison des difficultés d’accès aux capacités sur certains axes. Selon notre base de données Upply, l’augmentation des taux de fret oscille de 19% à 40% sur certains corridors, notamment l’Asie-Europe, l’Europe-Amérique du Nord ou encore l’Europe-Moyen-Orient. Une tendance qui se confirme d’ailleurs en avril, comme l’illustre notre graphique Upply sur l’axe Asie-Europe.
Évolution des taux de fret aérien sur le corridor Asie-Europe (juillet 2019-avril 2020)
Source : Upply
Il s’agit là d’une bien piètre consolation pour des compagnies dont la survie est en jeu. Selon les données publiées par IATA, la demande globale de fret aérien a baissé de 15,2% au mois de mars (-15,8% sur le marché international), en raison de l’épidémie de Covid-19 qui frappe de nombreuses économies. Au total, pour l’ensemble du premier trimestre, le repli du trafic s’élève à 7,7% globalement et à 7,8% à l’international. Parmi les principaux marchés, l’Europe et l’Asie-Pacifique sont ceux qui ont le plus souffert. L’Amérique du Nord a aussi amorcé une baisse, mais avec un léger décalage : la chute devrait donc se matérialiser davantage en avril.
Des capacités en baisse dans un contexte d’urgence
Malgré ce contexte de contraction de la demande, l’acheminement de produits pharmaceutiques et de matériel médical pour lutter contre l’épidémie de coronavirus se fait dans un contexte d’urgence qui soutient les prix, sur les axes où se concentre cette demande.
La baisse drastique des capacités contribue également à la flambée des prix. Elle atteint 22,7% en mars, dont 24,7% à l’international, qui représente 87% du marché du fret aérien. Suite à la quasi-paralysie du trafic passagers, les capacités de fret disponibles dans les soutes des avions passagers à l’international ont plongé de 43,7%. Une chute qui n’a été que très partiellement compensée par la hausse de 6,2% des capacités tout cargo, ce chiffre incluant les opérations de transport de fret dans les cabines d’avions passagers. Au total, le coefficient de remplissage cargo s’améliore de 4,8 points en mars.
Indépendamment de ce rapport favorable entre l’offre et la demande, les compagnies aériennes ont aussi profité sur certains corridors de la politique de réduction de l’offre menée par certaines compagnies maritimes.
Des heures sombres en perspective
Ces différents paramètres relativisent considérablement le côté positif de cette flambée des tarifs pour les compagnies aériennes. Dans l’immédiat, elles doivent jongler avec des conditions d’exploitation acrobatiques pour profiter a minima du potentiel offert par le fret aérien. Dans sa publication relative aux chiffres du mois de mars, l’IATA réclame d’ailleurs une réduction des formalités administratives pour les opérations d’affrètement, une exemption des règles de quarantaine applicables à la population générale pour les équipages qui assurent des vols cargo et une garantie de pouvoir disposer de personnel et d’installations appropriées pour le traitement du fret.
À plus long terme, les perspectives sont inquiétantes pour des compagnies déjà exsangues. Le fret aérien dépend énormément de la santé de l’économie mondiale. Or l’activité manufacturière a subi un sévère coup de frein. Après d’être effondré en février, l’indice des directeurs d’achat du secteur manufacturier se redresse légèrement grâce aux premiers signes de reprise en Chine mais il reste en repli, atteignant des bas niveaux historiques en Europe et aux États-Unis.
"Les prévisions de l’Organisation mondiale du commerce comportent peu d’indices d’une rapide reprise. Selon le scénario optimiste, il y aurait une diminution de 13 % du commerce en 2020, alors que le scénario pessimiste annonce une chute de 32 %. Cela affectera grandement les perspectives du fret aérien", estime l’IATA. Certes, les économistes de l’IATA constatent pour l’instant un impact moins grave sur le trafic que lors de la crise financière de 2008, mais le faisceau de paramètres à prendre en compte pour gérer cette crise de nature sanitaire semble infiniment plus complexe.
Crédit photo : @ Geodis