En octobre, les volumes de fret aérien flirtent toujours avec des sommets historiques. Mais le trafic a tendance à se stabiliser, malgré le début de la "peak season", ce qui a contenu la hausse des prix.
"Malgré le début de la haute saison du fret aérien, la croissance des volumes de fret aérien n'a connu qu'une hausse marginale en octobre", révèlent les dernières statistiques de trafic publiées par l’Association du transport aérien international (IATA). Le secteur reste au-delà des niveaux pré-pandémiques. Le trafic exprimé en tonnes-kilomètres affiche une croissance de 9,4 % en octobre 2021 par rapport à octobre 2019. Mais la performance est assez similaire à celle de septembre (+9,1%) et "assez constante depuis environ six mois", souligne l’IATA.
En données corrigées des variations saisonnières, l’évolution est de +0,1% en octobre par rapport à septembre, ce qui confirme que l’effet de rattrapage après le creux de 2020 s’est surtout manifesté au premier semestre. On peut y voir aussi le signe d’un certain "lissage" des flux de la saison haute, les expéditeurs ayant cherché à anticiper compte tenu des perturbations de la supply chain.
* FTK : tonnes-kilomètres de fret – Source des données : IATA
Une amélioration fragile sur front des capacités
Sur le front des capacités, l’évolution est également favorable. "Un deuxième mois consécutif de forte progression des capacités de fret aérien a été enregistré en octobre", indique l’IATA. Les tonnes-kilomètres de fret disponibles sont inférieures de seulement 7,2 % au niveau d’octobre 2019, et en données corrigées des variations saisonnières, la capacité est en hausse de 1,3% par rapport septembre, "en grande partie grâce à des améliorations en Asie-Pacifique (4,7 %) et en Europe (2,0 %)", précise l’IATA.
Cette progression de l’offre est "entièrement due" aux capacités des avions passagers, en incluant les "preighters", c’est-à-dire les avions passagers temporairement adaptés pour transporter uniquement du cargo. Les capacités offertes en soute sont encore très éloignées des niveaux pré-pandémiques mais la situation s’améliore puisque le différentiel par rapport à 2019 était de 37,9% en août et 30,7% en octobre.
Toutefois, le secteur du transport aérien reste très vulnérable. Ainsi, en raison de l’apparition du variant Omicron, plusieurs États ont annoncé des restrictions de voyage drastiques. Cela devrait engendrer une dégradation significative de l’offre de fret aérien à partir de la fin du mois de novembre, c’est-à-dire au plus fort de la saison haute. "Les restrictions n'arrêteront pas la propagation d'Omicron. En plus de revenir de toute urgence sur ce type de mesures erronées, les gouvernements devraient s'attacher à garantir l'intégrité des chaînes d'approvisionnement et à accroître la distribution des vaccins", a déclaré Willie Walsh, directeur général de l'IATA.
Une situation tendue pour les expéditeurs
Les compagnies aériennes sont donc confrontées à de graves difficultés dans leur activité de transport de passagers. En revanche, dans le domaine du fret, le contexte économique et sanitaire leur est favorable en termes de rapport de force.
Certes, entre la congestion des chaînes logistiques, la pénurie d’intrants et de main d’œuvre ou encore l’inflation, on peut dire que plusieurs facteurs se conjuguent pour nourrir des difficultés de production. Mais pour l’instant, la demande reste suffisamment forte pour que le fret aérien en bénéficie. Depuis neuf mois consécutifs, les volumes de fret aérien progressent plus vite que le commerce mondial de biens. Une tendance classique en période de reprise économique, mais accentuée par la désorganisation globale des chaînes logistique et notamment du transport maritime.
"Cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochains mois pour plusieurs raisons. Les grands événements de consommation de fin d'année, tels que Noël et le Black Friday, obligent les entreprises à s'assurer qu'elles disposent de stocks suffisants de marchandises. Le ratio stocks/ventes aux États-Unis, qui était en octobre de 8,8 % inférieur aux niveaux de 2019, indique que de nombreuses entreprises ne disposent pas de ces stocks, ce qui les incite à se tourner vers le fret aérien pour répondre rapidement à la demande. Même si la demande devait baisser après ces événements, les entreprises auraient toujours besoin de se réapprovisionner", estime l’IATA.
Des prix en hausse
Après une forte croissance en 2020 et au début 2021, les prix du fret aérien ont connu une certaine accalmie au printemps, tout en se maintenant à niveaux élevés. L’entrée dans la peak season est propice à de nouvelles augmentations. "L'urgence de la demande de fret aérien et le manque de capacité font que les prix sont en hausse depuis quatre mois consécutifs. En octobre, les taux de fret aérien, y compris les surtaxes, ont augmenté de 3,3% en glissement mensuel et ont dépassé le pic de mai 2020", indique l’IATA.
Malgré cela, le fret aérien reste compétitif. Les chiffres de la base de données Upply, qui incluent à la fois du spot et des tarifs contractuels, montrent ainsi que les augmentations restent raisonnables si l’on inclut ces tarifs négociés sur de plus longues périodes. Le différentiel s’est aussi réduit avec le maritime, dont les prix ont flambé, même si une accalmie se dessine depuis octobre.
Source : Upply - NB : Ces estimations sont basées sur des transactions réelles et reflètent donc un mix prix spot et régulier. Les évolutions mentionnées peuvent faire l’objet de révisions au fur et à mesure que de nouvelles données sont intégrées dans la base Upply.
On peut s’attendre toutefois à une période de surchauffe en cette fin d’année. Déjà pour le mois de novembre, les premières estimations de notre base de données Upply font apparaître des taux de fret supérieurs à la même période de 2020 sur la quasi-totalité des axes, et en particulier sur l’Asie-Europe (+9,4%).
Les restrictions de vols consécutives aux décisions gouvernementales, prises pour lutter contre la propagation du variant Omicron, vont encore accroître cette tendance inflationniste sur les prix du fret aérien. Elles interviennent en effet à un moment crucial de la peak season en termes de demande. Les compagnies aériennes, confrontées à une potentielle rechute d’un trafic de passagers qui se rétablissait déjà lentement, ont tout intérêt à tirer parti du potentiel que leur offre l’activité cargo pour générer des revenus.