Analyse Transport & Logistique

L’IRU prévoit une pénurie de conducteurs de 40% en 2019

30 avril 2019

L’organisation mondiale du transport routier pronostique une aggravation de la pénurie de conducteurs en Europe en 2019 : 40% des demandes devraient rester insatisfaites, contre 21% en 2018. La féminisation et le rajeunissement de la profession constituent des enjeux majeurs.

« Une pénurie alarmante ». Boris Blanche, directeur général de l’IRU (International Road Transport Union), emploie un qualificatif fort pour décrire les difficultés de recrutement auxquelles est confronté le transport routier. Un emploi sur cinq n’a pas été pourvu en 2018 et la proportion devrait passer à 40% en 2019, culminant bien au-delà dans certains pays (70% en Roumanie, par exemple). « C’est un phénomène qui n’affecte pas seulement les transporteurs mais l’intégralité de la supply chain. La pénurie de chauffeurs peut engendrer des perturbations pour l’économie et une hausse des prix pour les consommateurs », souligne un rapport de l’IRU publié en mars 2019.

Poursuite des enquêtes pour mesurer le phénomène

L’organisation mondiale du transport routier a décidé de faire de ce sujet un enjeu-clef de l’année 2019. Un groupe de travail chargé d’élaborer un plan d’action a été mis en place. Par ailleurs, plusieurs enquêtes ont été menées en 2018 pour mieux cerner l’ampleur du phénomène et ses causes. Elles vont d’ailleurs se poursuivre pour étoffer les données, notamment en France, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en République Tchèque, en Roumanie et en Pologne. L’objectif est aussi d’identifier les bonnes pratiques et les initiatives qui marchent pour les partager d’un pays à l’autre, nous indique une porte-parole de l’IRU.

Crise des vocations et départs massifs

Premier constat issu des enquêtes menées en 2018 : le secteur peine à susciter des vocations, mais ceux qui franchissent le pas sont plutôt contents de leur sort. Selon le rapport de l’IRU, 50% des chauffeurs en activité se disent en effet satisfaits ou très satisfaits de leur travail, et notamment les jeunes qui entament leur carrière (73% des 18-24 ans). À l’inverse, 20% se disent mécontents.

Deuxième constat : l’automatisation, qui devrait modifier profondément le métier dans les années à venir, pourrait atténuer les difficultés, mais pas de façon significative. D’autant que l’on attend dans les années qui viennent une vague importante de départs en retraite. Ainsi en Allemagne, 40% des conducteurs partiront d’ici 2027, engendrant un déficit de 185 000 chauffeurs.

Rajeunir et féminiser

Le principal enjeu consiste donc à attirer de nouvelles populations vers le métier, à commencer par les jeunes. Sur ce point, l’IRU remarque que l’âge minimum de 21 ans requis dans beaucoup de pays pour exercer le métier peut constituer un frein qu’il conviendrait d’assouplir. Beaucoup de jeunes choisissent en effet leur orientation bien plus tôt (à 16-17 ans en Allemagne, par exemple). Le prix du permis de conduire peut également constituer un point bloquant.

Par ailleurs, le transport routier gagnerait à miser sur les nouvelles technologies, sous différents aspects. D’abord en utilisant les réseaux sociaux pour chercher les candidats potentiels. Ensuite en mettant en avant la révolution technologique du secteur, susceptible d’attirer de nouveaux profils. « Trop souvent aujourd’hui, le digital est plutôt vécu comme une contrainte que comme une source de facilitation », commente William Béguerie, expert transport routier chez Upply. L’IRU insiste par ailleurs sur l’importance de mettre en place un système de formations régulières pour attirer et fidéliser les conducteurs.

Autre piste identifiée pour endiguer la pénurie : la féminisation du secteur. Aujourd’hui, seulement 2% des conducteurs sont des conductrices… « Au-delà d’être un moyen de s’attaquer au problème du manque de chauffeurs, la féminisation doit être vue comme un objectif. Car elle serait le signe d’une réelle amélioration des conditions de travail », estime William Béguerie.

Améliorer les conditions de travail

Et en effet, indépendamment de ces viviers à explorer, le transport routier gagnerait surtout à tirer vers le haut les conditions de travail, estime le rapport de l’IRU. Selon l’étude menée par l’organisation, 87% des conducteurs de plus de 55 ans et 73% des moins de 24 ans estiment que l’obligation de passer de longues périodes loin de son foyer constitue un élément essentiel pour expliquer la pénurie de vocation. Une question à laquelle s’est d’ailleurs attaquée la Commission Européenne avec son Paquet Mobilité, qui veut imposer un retour des chauffeurs à leur domicile toutes les 4 semaines.

La sécurité et le confort des espaces de repos restent également des sujets majeurs de préoccupation. Là encore, l’Union européenne s’est emparée du sujet, avec la mise en place d’un groupe de travail sur la sécurité des parkings poids lourds en Europe.

Crédit photo : Image par GREGOR de Pixabay  

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Diplômée de l'École Supérieure de Journalisme de Lille, Anne a exercé l’essentiel de sa carrière dans la presse spécialisée Commerce international & Logistique, avant de rejoindre Upply.
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