La France a enregistré une augmentation de 37% des projets logistiques financés par les investisseurs étrangers en 2021, par rapport à 2019, indique le dernier baromètre de l’attractivité de la France publié par le cabinet EY.
Pour la troisième année consécutive, la France occupe la première place du classement européen en nombre d’investissements étrangers annoncés, "assez loin devant ses rivaux historiques que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne", indique le cabinet de conseil EY dans son dernier baromètre de l’attractivité de la France. En 2021, l’Europe a accueilli au total 5 877 implantations et extensions d’investisseurs étrangers dans 44 pays, ce qui représente une augmentation de 5% par rapport à 2020. Un rebond plutôt modeste, par rapport à une période de référence marquée par la pandémie de Covid-19. Le niveau des investissements étrangers reste d’ailleurs inférieur de 12% au record enregistré en 2017, rappelle EY.
La France fait donc la course en tête avec 1 222 projets d’implantations ou d’extension, soit une croissance de 24% par rapport à l’année 2020. En deuxième position, le Royaume-Uni a dû se contenter d’une progression de 2%, pénalisé par le Brexit qui inquiète les investisseurs, en raison de son impact potentiel sur les échanges commerciaux mais aussi sur la pénurie de main d’œuvre. Quant à l’Allemagne, 3ème sur le podium, elle affiche un repli de 10%. "Les entreprises y apprécient une économie robuste et exportatrice, mais aussi marquée par le plein emploi et la difficulté pour les investisseurs étrangers de pénétrer les chaînes industrielles dans l’automobile, la chimie ou la pharmacie", constate EY.
Des velléités de relocalisation
Le Baromètre EY met en lumière, à l’échelle européenne, un flux important de projets industriels (1 769 au total en 2021, +34 % par rapport à 2020), mais aussi de plates-formes logistiques. Selon le cabinet de conseil, cette double dynamique s’expliquerait par le lancement de nombreux projets reportés pendant la crise sanitaire, mais aussi par la réorganisation des supply chains au niveau mondial et européen. "Les entreprises ont commencé à s’adapter aux défis les plus critiques de la crise : se protéger des aléas d’approvisionnement, donner de l’agilité à leurs cycles de production, favoriser la souveraineté technologique ou sectorielle", estime EY.
Les velléités de relocalisation auraient notamment profité aux pays d’Europe du Sud, avec de bons résultats constatés en particulier en Italie (+83%), au Portugal (+30%) ou en Turquie (+27%), principalement grâce aux investissements dans des projets manufacturiers. Si l’on perçoit quelques frémissements à travers ces statistiques, on ne peut cependant pas parler, à ce stade, d’une tendance lourde en faveur des relocalisations. Il y a bien des réflexions majeures sur la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales, accélérées par la succession de crises majeures, mais les stratégies de localisation sont loin de converger unanimement vers le nearshoring.
Un contexte porteur pour la logistique
L’augmentation des projets industriels est une bonne nouvelle pour le secteur de la logistique, qui bénéficie par ailleurs de la croissance soutenue du e-commerce durant la crise sanitaire. Selon le baromètre EY, 655 projets de nouveaux centres logistiques dans 34 pays différents ont été annoncés en 2021 en Europe, dont 10 % réalisés par le seul Amazon.
En France, 119 projets de plates-formes logistiques ont été annoncés en 2021 contre 89 en 2020 (+34 %), tirant notamment profit de l’essor du e-commerce renforcé par la pandémie. Ces plates-formes peuvent être des projets portés par des prestataires ou par des chargeurs. Si l’on considère uniquement les investissements des opérateurs du secteur transport et logistique, le nombre de projets s’établit à 80, retrouvant quasiment son niveau de 2019 après une chute de 41% en 2020. Ces projets ne portent pas nécessairement sur des plates-formes logistiques mais plus généralement sur tout type d’investissement réalisé par les opérateurs du secteur. En 2021, le transport et la logistique arrivent ainsi en 4è position dans le Top 10 des secteurs en nombre d’IDE en France.
Source : EY European Investment Monitor, 2022
Dans l’industrie, le bilan français est globalement plus mitigé. Certes, 482 industriels étrangers ont fait le choix de la France en 2021. "Avec ce résultat record, la France conserve la tête du classement européen des investissements manufacturiers étrangers devant la Turquie (230 projets), le Royaume-Uni (145 projets) et l’Allemagne (106 projets)", souligne EY. Les investisseurs justifient notamment leur choix par la présence d’une main d’œuvre qualifiée et par la disponibilité d’une énergie décarbonée, issue notamment du nucléaire.
Mais malgré ce rebond, la France reste à la traîne quant au poids de l’industrie dans son PIB. Le ratio était de 13,5% en 2019, contre 24,2% en Allemagne ou 19,5% en Italie. Cette faiblesse est évidemment nuisible à la balance commerciale, avec un déficit record de 84,7 milliards d’euros en 2021, et qui se creuse encore en ce début 2022. Une industrie plus solide constituerait aussi un terreau favorable pour le développement d’activités logistiques. Encore faut-il pour cela d’un écosystème politique et réglementaire favorable.
Plusieurs enjeux ont été mis en avant par l’association France Logistique dans son Livre blanc 2022 intitulé "Transports de marchandises et logistique au service d’une France performante". À travers la proposition n°9 de ce rapport, France Logistique invite notamment les pouvoirs publics à "mieux intégrer les enjeux logistiques dans les démarches économiques globales et innovantes". Il s’agit par exemple d’inclure les partenaires logistiques dans les comités stratégiques des filières industrielles où la logistique constitue une part significative des coûts et/ou de l’empreinte environnementale (agroalimentaire, chimie, construction, déchets, mines et métallurgie…), mais aussi dans les démarches publiques comme les "territoires d’industries" pour la relocalisation des filières industrielles. France Logistique attire également l’attention sur un sujet crucial en matière d’attractivité : faire en sorte de garantir du foncier pour les activités logistiques. Le marché est actuellement très tendu, ce qui favorise l’inflation des loyers. "Cette hausse pénalise en priorité les petites et moyennes entreprises, notamment industrielles. In fine, faute de foncier disponible pour le stockage, des localisations d’entrepôts voire d’industries se font déjà chez nos voisins, ce qui pourrait s’accentuer", estime France Logistique.
La France a fait d’indéniables progrès en termes d’attractivité, comme en témoigne sa première place sur le podium du Baromètre EY, mais la concurrence reste vive. Le secteur transport et logistique est un élément clef de cette attractivité, encore sous-estimé ou insuffisamment intégré dans les politiques publiques.