La confusion règne quant aux répercussions de la nouvelle réglementation de l’OMI sur la teneur en soufre des carburants maritimes. Une chose est sûre : le dispositif induit une augmentation des coûts pour des compagnies maritimes déjà en souffrance.
La nouvelle réglementation de l’Organisation maritime internationale (OMI) sur les carburants maritimes vise à réduire drastiquement les émissions d’oxyde de soufre des navires. La date d’entrée en vigueur, à savoir le 1er janvier 2020, est connue depuis longtemps. Mais ce que le régulateur ne pouvait prévoir, c’est que cette introduction interviendrait dans un contexte de marché structurellement désorienté et secoué par une baisse prévisible des résultats opérationnels du top 10 des compagnies maritimes.
Cette situation engendre une certaine confusion, notamment sur la répercussion des coûts supplémentaires. Nous vous proposons un point de la situation, à quelques semaines de l’échéance.
1/ Les fondamentaux
- Les compagnies maritimes ne peuvent plus reculer : elles doivent passer leurs ordres d’achat maintenant pour acquérir un carburant en moyenne 75% plus cher qu’auparavant.
- Les chargeurs savent qu’ils vont devoir, d’une façon ou d’une autre, payer l’addition de ce surcoût d’exploitation réglementaire. L’enjeu est pour eux de limiter cette compensation au juste prix.
- Le "verdissement" urgent de l’industrie de la ligne maritime régulière est voulu, attendu et défendu par une majorité des acteurs impliqués.
- Malgré les pressions de l’administration américaine, une application stricte au 1er janvier 2020 de la nouvelle réglementation limitant à 0,5% les émissions de soufre (0,1% dans certaines zones) est revendiquée avec force par l’OMI. L’organisation a le soutien d’une majorité des États de la planète, européens mais aussi asiatiques (ce qui est fondamentalement nouveau et crédibilise la démarche en isolant les États-Unis).
- Les systèmes de contrôle des émissions sont majoritairement prêts dans les grands ports de commerce.
- Le marché de la croisière, par nature davantage visible du grand public, est lui aussi directement impacté par cette réglementation. Les grandes métropoles (Marseille, Venise…) ont attiré localement l’attention de leurs opinions publiques sur ce thème devenu un sujet de santé publique et non pas seulement un problème maritime.
2/ Les questions en suspens…
- Pour se conformer à la nouvelle réglementation, les compagnies maritimes ont la possibilité de continuer à utiliser du fuel lourd, mais à condition d’installer des "scrubbers", sortes de douches d’échappement géantes dont le principe est de capturer les particules soufrées dans l’eau. Les émissions dans l’air restent ainsi en-dessous du seuil de 0,1%.
Mais il est difficile de savoir à ce stade si ce système sera accepté par les États, les ports ou encore les opinions publiques. Certains articles de presse le désignent déjà comme un outil de "triche" ("cheater device"), accusant les scrubbers de déplacer le problème de l’air à l’eau. Ils pointent un impact environnemental potentiellement déplorable dans les zones de navigations côtières, où la faune et la flore sous-marine sont déjà très affaiblies. - Pour les compagnies qui font ou ont fait le choix de s’équiper de scrubbers, on peut s’interroger sur leur légitimité à appliquer aux chargeurs une surcharge "Low Sulphur". Celle-ci est en effet censée compenser le surcoût correspondant à l’achat d’un carburant à faible teneur en soufre, vendu plus cher. Les scrubbers ont bien sûr eux aussi un coût, mais on voit mal comment la formule de calcul élaborée pour répercuter le surcoût du produit pétrolier pourrait s’appliquer à ce dispositif technique.
- En examinant les notifications déjà publiées par les compagnies maritimes sur l’introduction des surcharges Low Sulphur, on s’aperçoit que les formules de calcul retenues induisent une sorte de proratisation des coûts pour le retour des conteneurs vides. Sur un axe donné, la surcharge n’est pas identique dans les 2 sens, malgré une distance similaire. Certes, le poids est un facteur à prendre en compte, mais le différentiel semble, dans certains cas, excessif.
- Historiquement, les compagnies maritimes n’ont pas toujours fait preuve d’une grande transparence dans l’application des surcharges carburant. On peut donc s’interroger de leur capacité à convaincre les chargeurs du bien-fondé de la formule retenue.
3/ Vers une nécessaire simplification
- Les chargeurs comprennent et acceptent majoritairement le fait qu’ils vont devoir mettre la main à la poche pour franchir ce cap du 1er janvier, mais à condition qu’un certain nombre de critères soient respectés. Il est notamment essentiel de prévoir un système simple à mettre en place et à répercuter.
- Il n’est pas question d’intégrer cette nouvelle surcharge dans le prix du fret.
- Cette surcharge doit garder un caractère ponctuel, avec un effet amortisseur. Elle est amenée à disparaître une fois que l’ensemble du marché se sera adapté à la nouvelle réglementation, en intégrant la part grandissante progressive de navires équipés de scrubbers.
- Les montants de surcharge d’ores et déjà évoqués se révèlent pour certains complètement prohibitifs, rapportés au prix total de l’acheminement. On imagine mal que le marché puisse accepter ces montants.
- Les chargeurs ont des process comptables qui s’accommodent peu (ou pas) de variations tarifaires en cours d’exécution des contrats. La surcharge doit être extrêmement simplifiée pour être crédible et surtout gérable dans les systèmes d’information. C’est une condition essentielle pour qu’elle puisse être acquittée rapidement.
- Pour éviter de grosses distorsions de marché lors de la mise en place de la nouvelle réglementation, il faut que la règle soit simple et partagée.
- Une forfaitisation d’un montant par conteneur pour une période de 6 mois à compter du 1er décembre en 3 tranches (courte distance, moyenne distance, longue distance) pourrait constituer un compromis acceptable par les chargeurs. Nos estimations du surcoût réel sont de l’ordre de 50, 100 et 150 USD par conteneur sur ces bases pour une période de 6 mois.
Affaire à suivre…
Captain Upply