Les compagnies maritimes constatent un ralentissement de la demande au départ de Chine vers l’Europe. Les stocks pleins et le manque de visibilité paralysent l’activité.
Depuis le début du mois de juillet, les taux de fret maritime sur l’axe Asie-Europe ont amorcé leur descente, après une forte flambée. Ce phénomène est lié à un ralentissement de la demande, qui a plusieurs explications.
Bien sûr, la forte inflation commence à peser sur les dépenses des ménages et donc sur le niveau de consommation. Mais l’atonie des commandes du secteur du retail s’explique aussi par le niveau élevé des stocks. Enfin, le manque de visibilité sur l’évolution économique au cours des mois qui viennent gèle littéralement les décisions d’achat pour de nouvelles commandes. Les retailers ne veulent pas prendre le risque de devoir accumuler encore davantage de stocks, tant l’espace est compté et cher.
Le consommateur n’a pas brutalement déserté les surfaces de vente physiques ou digitales. Il s’est certes adapté et il a réorienté une part de ses achats. Mais le problème vient surtout des commandes massives réalisées dans l’urgence par le secteur du retail lorsque l’économie a repris plus brutalement que prévu, après la première phase de l’épidémie de Covid-19. Certains distributeurs se retrouvent aujourd’hui avec des stocks colossaux de références qui ne tournent pas assez.
Contribution des différents facteurs en points de pourcentage à la croissance du PIB en glissement annuel. Sources : Eurostat et calculs de la Banque centrale européenne.
Les enjeux du dernier trimestre
Le 4è trimestre 2022 est celui des interrogations pour aborder et construire 2023. Quelques éléments déterminent le climat de fin d’année :
- Le stock "mort" devient insupportable en coût et en espace consommé.
- Ce stock pénalise les références leaders qui s’épuisent et ne sont pas assez réapprovisionnées. Or l’allongement des délais d’acheminement dans le transport maritime augmente la probabilité de rupture ou de recours au transport aérien en dernière minute.
- Faire détruire de la marchandise pour libérer de l’espace devient un arbitrage tentant, mais la loi française encadre désormais cette pratique.
- La baisse actuelle des prix de transport maritime ne suscite pas davantage de commandes.
- Les volumes 2023 mis sur la table des négociations avec les compagnies maritimes sont très fortement orientés à la baisse.
- Le temps passé à quai par les conteneurs import augmente, par manque d’espace en entrepôt, ce qui fait grimper les surestaries et frais de détention par conteneur, même s’il y a moins de volumes concernés.
- Les annulations d’escale ont commencé, pour l’instant jusqu’à mi-décembre. Mais si la demande est molle, elles pourraient se prolonger jusqu’au Nouvel An chinois. La qualité de service de l’offre, qui remontait depuis quelques mois, serait alors affectée.
- Le respect des contrats devient problématique et les demandes de renégociation se multiplient. Globalement, les compagnies n’honorent pas le service requis et les clients n’honorent pas leurs engagements en volumes.
Les statistiques européennes montrent une nette remontée du niveau de stocks en 2022. Il y a bien une corrélation entre ce niveau de stock record en Europe et l’affaiblissement des nouvelles commandes en sortie d’Asie.
Évolution des stocks dans l’Union européenne
Source: tradingeconomics.com
La situation est telle qu’on ne peut pas exclure un risque de rupture sur les références phares pour le premier et le deuxième trimestre en Europe. En effet, un facteur aggravant va s’ajouter aux blank sailings : le Nouvel An chinois, synonyme de fermeture des usines, arrive très tôt dans l’année en 2023, puisqu’il démarrera le 22 janvier. Si les options de commande ne sont pas fermes dès maintenant, elles pourraient bien ne pas être honorées.
Le "grippage" des supply chains intervient aussi là où on ne l’attendait pas : dans les entrepôts...