Intéressons-nous cette semaine au marché transpacifique, en provenance d’Asie vers les États-Unis. Le dernier Shanghai index (SCFI) publié le 28 juin constitue une surprise sur cet axe, tant la correction hebdomadaire enregistrée à la hausse est forte (+24,5% sur une semaine glissante).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette brutale remontée des taux de fret constatée sur une semaine entre l’Asie et les États-Unis.
1- Les faits :
- Des restrictions de capacité annoncées par Ocean Alliance (29 000 TEUS sur juillet).
- Des annonces d’augmentation générale des tarifs par les compagnies maritimes.
- Le rendez-vous incontournable de septembre pour discuter des surcoûts liés au changement de carburant, en vue de se conformer à la réglementation IMO 2020.
- Une offre maritime transpacifique plus concentrée que sur la route Asie-Europe.
2- Le contexte :
- La flambée des taux de fret du deuxième semestre 2018 reste dans tous les esprits.
- La négociation interminable sur les droits de douane entre États-Unis et Chine commence à être un facteur d’incertitude et d’instabilité dont le poids sur les résultats 2019 est déjà certain.
- Le parti pris de certains retailers US d’anticiper les commandes de septembre dès le début de l’été pour limiter les risques liés à l’évolution du marché sur le deuxième semestre, quitte à supporter des coûts d’entreposage supplémentaires.
La combinaison de ces facteurs contribue à la "surchauffe" anormalement élevée constatée en ce début d’été sur cette route maritime.
Historique des prix médians en Port to Port - 40 HCR (avec THC) estimé par Upply au cours des 24 derniers mois – 3 juillet 2019
Une situation compliquée pour les compagnies maritimes...
D’un côté, les compagnies maritimes qui opèrent sur cette route seraient ravies d’un "remake" du scénario de l’an dernier sur le 2ème semestre 2019. Après un premier semestre 2019 décevant en matière de résultats opérationnels trans-pacifique et Asie, une remontée massive des taux de fret sur le transpacifique au deuxième semestre pourrait les aider à atteindre l’équilibre financier en fin d’année.
La "dernière cartouche", toujours dans cet esprit de restauration du P&L 2019 des compagnies maritimes, sera la répercussion sur la marchandise des surcoûts de carburants "ultra low sulfur", avec ou sans marge associée.
Si les compagnies n’arrivent pas à passer l’intégralité de ces surcoûts à l’automne et si les taux de fret reviennent aux niveaux pratiqués fin juin, l’année 2019 s’annoncerait d'ores et déjà complexe en matière d’atterrissage des résultats.
... et pour les retailers américains
D’un autre côté, on constate une forte tension chez les retailers américains, qui viennent d’être confrontés à des surcoûts conséquents non budgétés, tant en fret maritime qu’en démurrages et détentions portuaires.
Ces frais, non prévus dans leurs budgets, n’ont pas toujours été répercutés sur les clients finaux. C’est donc la marge directe des retailers qui en a pâti. Les financiers du secteur de la grande distribution commencent à peine à en mesurer l’impact sur l’exercice précédent, un phénomène de répétition serait difficilement acceptable.
Ces importateurs ont dans le même temps à gérer le risque de la mise en place de possibles routings alternatifs intra Asie hors Chine, afin de minimiser les impacts potentiels d’une hausse des droits de douane à l’entrée aux États-Unis. Ces approches de routings alternatifs sont elles aussi génératrices de surcoûts non budgétés.
Dernier point pour les importateurs US : la question du surcoût du fuel "propre" qui se profile en septembre, ainsi que des coûts d’entreposage qui pourraient devenir volatiles à l’automne, les niveaux de stock actuels étant considérés comme élevés pour la période.
Ces facteurs peuvent en effet aller dans le sens d’un surcroît de réservations durant la période estivale sur ce trade, face à un nombre d’incertitudes croissantes auxquelles les importateurs américains ne peuvent pas facilement apporter des réponses immédiates.
Crédit photo : Port de Los Angeles