SÉRIE D’ÉTÉ (2). Nous poursuivons notre saga d’été sur le thème Transports et Cinéma. La part de rêve et d’humanité que véhicule notre secteur a inspiré les plus grands réalisateurs.
Chauffeur routier dans Le Salaire de la Peur, comme nous l’évoquions dans le premier volet de notre saga estivale, Yves Montand renoue avec cet univers en 1977 dans La Menace, sous la direction d’Alain Corneau. Ce thriller pessimiste a été tourné dans la région bordelaise et à Vancouver. Les paysages canadiens sont splendides et les cascades réalisées par Rémy Julienne sont magnifiées par la présence des Macks, ancienne marque américaine de camions. Petit clin d’œil, Mack Trucks a été acquis par Renault VI en 1990, lui-même racheté en 2000 par Volvo Trucks... marque avec laquelle Yves Montand négocie l’achat de 3 camions au début du film.
Le pitch
C’est en effet d’abord dans la peau d’un chef d’entreprise que nous retrouvons l’acteur. À Bordeaux, Henri Savin (Yves Montand) dirige avec sa compagne Dominique Montlaur (Marie Dubois) les transports routiers Montlaur. Mais il s’apprête à la quitter lorsqu’il tombe amoureux de Julie (Carole Laure), une jeune canadienne. Dépressive, Dominique se suicide mais tout semble accuser Julie. Henri fabrique alors de fausses preuves pour sauver Julie et met en scène sa propre culpabilité avant de fuir au Canada. Là, devenu simple chauffeur routier, Henri met au point une autre mise en scène pour faire croire à sa disparition physique, afin de pouvoir retrouver ailleurs et sous une autre identité Julie enfin libre. Mais les routiers canadiens en décideront autrement.
La solitude du chef d’entreprise
La Menace fait écho au monde du transport d’aujourd’hui, d’abord à travers le portrait du héros. Henri Savin est un dirigeant d’entreprise de transport comme on en croise encore beaucoup : ancien chauffeur, honnête et droit, taiseux et fier, débrouillard et ingénieux. Il refuse de se laisser corrompre dans un trafic de clandestins portugais. Les nationalités ont changé, mais le phénomène perdure, comme en témoignent aujourd’hui les migrants qui tentent d’embarquer dans des camions aux abords de Calais pour rejoindre l’Angleterre.
On retrouve aussi en Henri Savin la figure du chef d’entreprise de transports submergé par la concurrence libre mais pas toujours équitable ainsi que par les tracas administratifs, et qui se bat tous les jours pour ne pas perdre pied. Cette solitude l’oppresse et lui donne parfois des idées noires.
Les routiers sont sympas... sauf parfois au cinéma !
La Menace surfe aussi sur la forte dimension communautaire associée à la profession de chauffeur routier, perçue comme une communauté solidaire qui sait se réunir pour défendre ses intérêts. On l’a vu ces dernières décennies en France, avec par exemple le mouvement de protestation de 1992 sur le permis à points, incarné par "Tarzan", et plus récemment la mobilisation dans le cadre de la réforme des retraites, les routiers craignant notamment la disparition du Congé de fin d’activité (CFA), un dispositif spécifique qui permet des départs anticipés sous certaines conditions.
La Menace met en lumière cet esprit de corps, rappelant un autre film plus ancien, Gas-Oil. Dans cette œuvre de Gilles Grangier sortie en 1955, les chauffeurs routiers unissent leurs forces pour sauver l’un d’entre eux (Jean Gabin) d’un trafiquant de drogue (interprété par Roger Hanin). Dans La Menace, les chauffeurs routiers canadiens s’unissent également, mais pour éliminer celui qu’ils croient être un tueur de camionneurs, Yves Montand. Ils traquent le héros jusqu’à l’encercler pour l’écraser et le compresser dans son véhicule entre 2 camions. Une dernière partie qui fait penser à un autre film culte : Duel, de Steven Spielberg, sorti en 1971.
Décidément, le transport inspire les plus grands. Vous l’avez compris, je vous recommande cette "menace"... et les autres films qui reviennent en mémoire quand on se laisse happer par ce film noir.