Le lobbying des compagnies maritimes pour conserver le règlement d’exemption par catégorie dont elles bénéficient dans le transport de conteneurs a payé. La Commission européenne a inscrit cette prolongation dans son programme de travail 2020, suscitant la colère des chargeurs, des commissionnaires de transport et des acteurs portuaires.
S’il fallait un ultime coup de pouce, peut-être est-il venu de la crise du coronavirus, qui plombe actuellement, entre autres secteurs, le transport maritime mondial. Frappées de plein fouet par le démarrage au ralenti de l’activité au lendemain du Nouvel an chinois, certaines compagnies ont sonné l’alerte, à l’instar de Maersk. Difficile de savoir si cette nouvelle crise a été un élément décisif, mais force est de constater que la Commission européenne a prêté une oreille attentive à leurs revendications sur la prolongation du système d’exemption par catégorie en faveur des consortiums.
Alors que la plupart des acteurs de la chaîne logistique réclament la fin de ce dispositif dérogatoire, qui permet aux compagnies maritimes de fonctionner en alliances, la Commission européenne persiste et signe dans sa volonté de le faire perdurer.
Petit rappel du calendrier :
- Au 1er avril 2020, les compagnies maritimes de ligne régulières étaient censées perdre le droit dérogatoire de travailler en alliances (ou consortia).
- En décembre 2019, contre toute attente et de façon assez anticipée, la commission a proposé une prorogation de la dérogation pour 4 années, alors que la consultation des parties prenantes était encore en cours, puisque prévue du 20 novembre 2019 au 3 janvier 2020.
- Le programme de travail 2020 présenté le 29 janvier par la Commission européenne propose explicitement la prolongation du système des exemptions de groupe, arguant qu’il "simplifie l’analyse de la conformité des consortia avec les règles en matières de concurrence, réduit le recours à des conseils externes et par conséquent les coûts juridiques".
Vives réactions
Dans un communiqué conjoint diffusé le 10 février, les organisations professionnelles européennes représentant les chargeurs, les commissionnaires et les acteurs portuaires ont vivement réagi. Selon elles, les arguments avancés par la Commission présentent de nombreuses lacunes juridiques :
- Le manque de données
- Des hypothèses de gains d’efficacité reposant sur la vision d’une seule partie et n’intégrant pas d’autres paramètres que les taux de fret
- L’absence de définition exacte concernant le périmètre géographique pertinent pour calculer les parts de marché
- Une incapacité totale à identifier les bénéfices pour les utilisateurs.
Il est incontestable que les compagnies maritimes souffrent actuellement, mais sans doute un peu moins qu’elles ne veulent le faire croire. L’activité ralentie permet de maintenir à peu près les taux de fret et se révèle être finalement une bonne opportunité pour retarder la mise en ligne de nouvelles capacités attendues.
Réorganisation des alliances
La crise permet aussi d’organiser calmement les nouveaux services 2020 dans les "familles recomposées". Les alliances ont en effet connu plusieurs mouvements : Hyundai est sorti de son partenariat avec 2M au profit d’une intégration dans the Alliance, et Zim s’est emparé du strapontin devenu libre dans l’alliance 2M. Ces mouvements ont engendré des entrées et sorties de flotte plus simples à mettre en œuvre dans un contexte d’accalmie de l’activité.
Globalement, les compagnies restent en fait confiantes dans leur capacité à déployer une capacité élargie, dans les semaines qui vont suivre la reprise... qui finira forcément par arriver. En attendant, elles ont su surfer habilement sur la vague d’inquiétude économique pour avancer leurs pions auprès d’une Commission européenne qui s’était au demeurant montrée sensible aux arguments des compagnies maritimes sans attendre la crise.