La LOM et sa récente ordonnance modifient le cadre juridique pour les bourses de fret et les places de marché numériques. Le point sur les principaux changements avec Claire Couvreur, directrice Juridique et Conformité d’Upply.
1/ La Loi d’orientation sur les mobilités (LOM) prévoit d’encadrer l’activité des plateformes digitales qui mettent en relation chargeurs et transporteurs. Quel est l’objectif du législateur ?
L’innovation va parfois plus vite que le droit, mais il est important que l’un et l’autre soient alignés. Les initiatives numériques se multiplient dans le secteur des transports et de la mobilité. C’est une formidable source d’opportunités que le législateur souhaite encourager. Mais il veut aussi accompagner les transformations en régulant ce qui doit l’être. Le gouvernement a notamment souhaité clarifier le statut des plates-formes digitales qui interviennent dans le transport routier de marchandises. C’est désormais chose faite par la voie d’une ordonnance qui a été publiée le 21 avril 2021.
2/ Quelles sont les principales nouveautés ?
Le texte crée une nouvelle catégorie dans la définition légale des prestataires de transport routier : l’opérateur de plateforme d’intermédiation numérique de transport public routier de marchandises. Il s’agit d’un "professionnel qui met en relation, au moyen d’un service fourni à distance par voie électronique, des personnes en vue de la réalisation par l’une d’entre elles, pour le compte d’une autre, d’une opération de transport par route de marchandises, ayant pour origine ou pour destination la France".
Par ailleurs, deux sous-catégories d’opérateurs sont créées :
- Les opérateurs de bourse de fret numérique
Ils mettent en relation des transporteurs routiers et des clients, sans intervenir dans la définition de la prestation de transport, les conditions essentielles de son exécution ou sa tarification. Le service est donc dissociable de la prestation transport proprement dite, dans la mesure où l’intermédiation "tend uniquement à faciliter, éventuellement au moyen de prestations annexes de recherche, de localisation, de comparaison ou de paiement, la conclusion de contrats portant sur de futures prestations de services de transport, sans sélectionner le transporteur retenu par le client, ni exercer d’influence décisive sur les conditions essentielles des services de transport, leur exécution ou leur prix", détaille l’ordonnance.
- Les opérateurs de service numérique de mise en relation commerciale de transport public routier de marchandises
Ils mettent également en relation des transporteurs routiers et des clients, mais leur rôle va au-delà. En effet, dans ce cas de figure, les opérateurs exercent "une influence décisive" en définissant les conditions essentielles des prestations de transport, de leur exécution, ou de leur prix ou en sélectionnant le transporteur retenu. Leur service est alors indissociable de la prestation de transport.
3/ L’ordonnance prévoit par ailleurs de nouvelles obligations pour les deux catégories. En quoi consistent-elles ?
Il y a d’abord une série d’obligations communes aux deux sous-catégories d’opérateurs.
- Obligations de vérification des transporteurs (licence de transport, conditions d’honorabilité, capacité professionnelle et capacité financière, inscription au registre des transporteurs, assurance, respect des obligations sociales ...).
- Obligation d’inscription au registre pour les opérateurs de service numérique et obligation de déclaration d’activité pour les opérateurs de bourse de fret numérique. Le respect de cette obligation devra être vérifié par les clients professionnels et les entreprises de transport de marchandises recourant aux services des opérateurs de plateforme d’intermédiation numérique.
- Obligations de communication d’informations aux autorités.
Par ailleurs, le texte instaure des responsabilités spécifiques pour la 2è catégorie (opérateurs de service numérique)
- Responsabilité de la bonne exécution des obligations résultant du contrat de transport
- Responsabilité de l’arrivée des marchandises dans le délai déterminé dans le cadre du contrat.
- Responsabilité des avaries ou pertes de marchandises, sauf en cas de force majeure.
- Interdiction d’empêcher les transporteurs de recourir à plusieurs plates-formes ou de réaliser en propre les prestations de transport
- Obligations sur les données collectées, qui doivent être pertinentes, non excessives et utilisées aux seules fins de cette mise en relation et de l’opération de transport qui en découle.
- Obligation d’information loyale, claire et transparente sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres et des services auxquels la plate-forme permet d'accéder.
L’ordonnance prévoit également toute une série de sanctions en cas de manquement aux obligations.
4/ Quelles est l’impact de cette nouvelle législation sur la place de marché Upply ?
Upply apporte fluidité et transparence au marché, en se positionnant comme un partenaire neutre pour tous les acteurs du transport de fret. Sur notre place de marché, ce sont les transporteurs et les chargeurs qui décident avec qui ils veulent contracter et à quel prix. Nous entrons donc dans la catégorie des opérateurs de bourse de fret numérique. Dès son lancement, Upply a placé la fiabilité des transporteurs présents sur la plate-forme au cœur de ses préoccupations, en reprenant les exigences des opérateurs de plateformes BtoC et notamment celles liées à la qualité des annonceurs. Nous procédons donc déjà à des vérifications rigoureuses, pleinement en phase avec le nouveau cadre. Ces vérifications sont d’ailleurs accessibles aux chargeurs puisque nous prônons, comme en BtoC, une information loyale et transparente. Nous sommes très satisfaits qu’un texte vienne encadrer les pratiques du secteur pour sécuriser les échanges et favoriser la libre-concurrence. Nous continuerons à devancer les meilleures pratiques pour offrir les niveaux d'exigences de demain et permettre à nos utilisateurs d'en tirer un maximum de valeur.
Propos recueillis par Anne Kerriou