BAROMÈTRE. Les taux de fret maritime poursuivent leur chute, et la qualité des services laisse toujours à désirer même si sur le front de la congestion, la situation s’améliore.
La descente accélérée des taux de fret spot en sortie de Chine s’est poursuivie au mois de novembre. Les autres trades ont connu des ajustements plus marginaux, mais néanmoins baissiers. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte.
Une conjonction coûts/volumes dévastatrice pour les compagnies
Après avoir tutoyé des sommets historiques, les taux de fret du transport maritime conteneurisé sur les principaux axes mondiaux retombent au niveau de fin 2020. À première vue, la chute ne semble donc pas dramatique : après tout, à l’époque, la situation des compagnies maritimes n’était pas jugée catastrophique.
Cependant, de nouveaux paramètres entrent en ligne de compte.
- À l’époque, les prévisions d’évolution de la demande à court terme étaient bien plus favorables.
- D’autre part, les coûts opérationnels des compagnies ont depuis flambé, avec notamment une progression d’environ 30% à 40% entre novembre 2021 et novembre 2022.
Cette conjonction d’une envolée des coûts fixes et d’une baisse des volumes d’environ 30% plombe littéralement les résultats d’exploitation des compagnies maritimes sur le mois. La réponse mise en place par les trois grandes Alliances maritimes consiste à réduire drastiquement et brutalement les capacités. Mais cette riposte ne suffit plus, en tout cas pour l’instant, à amortir la baisse des taux. Seuls les contrats à long terme, bien que souvent renégociés à la baisse, permettent d’éviter l’écroulement du marché.
La "cocotte-minute" chinoise
Pendant plusieurs mois, les exportations chinoises ont rempli les cales et généré les "super profits" des compagnies maritimes. Désormais ces exportations faiblissent, et cela suffit à renverser la tendance du marché. La crise pandémique révèle donc au grand jour que c’est bien la Chine qui, aujourd’hui, fait et défait le marché mondial des taux de fret maritimes conteneurisés...
Longtemps aveuglées par les performances de cette usine du monde si compétitive et disciplinée, les économies occidentales sont bien obligées d’intégrer aujourd’hui des paramètres géopolitiques plus ou moins volontairement occultés pendant des décennies.
Si ce tournant dans la mondialisation telle que nous l’avons connue ces 25 dernières années se confirme, il va falloir que les compagnies maritimes s’adaptent et reformatent en conséquence leur logiciel pour être moins dépendants de la Chine pour leur croissance. Il s’agira vraisemblablement d’un de leurs gros enjeux de redéploiement en 2023.
Décorrélation des notions de prix et de service associé
La saison des appels d’offre annuels démarre timidement. Les chargeurs font preuve d’un certain attentisme, cherchant logiquement à profiter de la forte baisse des marchés. Mais la question centrale reste celle du service offert. Négocier un tarif plancher ne sert à rien, si c’est pour ne pas parvenir ensuite à charger sa marchandise.
L’esprit de la négociation est centré sur un tarif qui soit perçu comme raisonnable des deux côtés, mais avec une contrepartie tangible en matière de service. Toute la complexité des négociations en cours tient au fait que certains acheteurs restent encore trop focalisés sur le prix et n’intègrent pas cette notion de service.
Les compagnies maritimes, avec des recettes dépréciées, ne pourront pas sortir d’une logique d’exploitation privilégiant le fret le plus rémunérateur, navire par navire. En effet, tous outils de "yield management" prioriseront automatiquement les meilleures contributions, encaissables le plus vite possible.
À ce stade, il est prudent, côté chargeur, de ne pas se fier aux schedules hebdomadaires publiés par les compagnies mais de tabler plutôt sur des départs par quinzaine. Il est aussi judicieux (...)